Bill Viola au Grand Palais à Paris
Marie-Laure Seksaf
Il est des rencontres artistiques qui surprennent, d’autres qui choquent, d’autres encore qui nous dérangent. Parfois il est des rencontres qui nous laissent de marbre ou que l’on ne comprend pas, auxquelles on ne peut accéder parce que trop hermétiques.
Il n’y a rien de cela dans l’exposition Bill Viola au Grand Palais.
La rencontre que nous propose l’exposition est une expérience unique, sensorielle, mystique, ontologique. C’est une rencontre avec un artiste, un art poussé à sa perfection, celle de la vidéo et de la peinture mêlées, parfaitement maîtrisées, si intimement liées que l’on ne sait plus à quelle forme d’art nous assistons, si ce n’est justement à celle qui en fait son caractère unique : une autre forme d’art qui les dépasse toutes et les résume. Comme Rimbaud souhaitait une nouvelle langue, qui serait « de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant » [1], les œuvres de Bill Viola créent un langage unique qui parle directement à l’âme du visiteur.
Que ce soit nos sens éveillés face à un homme plongeant, ou replongeant , dans un bassin d’eau qu’on peut imaginer narcissique, ou bien encore baptismale ; que ce soit face à nos pires cauchemars, sons et images éclatant dans un noir effrayant – plongée dans une conscience qui s’égare – ; que ce soit face à des corps immergés, expérience d’une noyade fondatrice, retour à une origine pleine de quiétude et de rêve ; tout parle à l’âme du spectateur, le renvoie à ses propres expériences les plus intimes, leur donnent parfois même finalement sens.
Car il s’agit bien de parler à l’âme, de lui proposer un voyage hypnotique, un moment de quiétude et de bien-être qui la renvoie à des expériences fondatrices : celle de la naissance, celle de la mort aussi, mais surtout celle de la vie ; une vie qui se rejoue de salles en salles et se redécouvrent, se redéploie autour de l’élément aquatique. Une eau calme, miroir de l’âme, mais aussi une eau purificatrice qui à travers des oeuvres comme Tristan’s ascension invite à une plongée qui est une remontée vers la vie, une noyade salvatrice encore qui propose l’expérience du mythe. C’est aussi l’eau du Déluge qui détruit la toile immobile initiale et en fait alors un tableau vivant, premier d’une série qui interroge le passage vers un autre temps. Et c’est aussi le feu, la chaleur du désert , celle d’une femme incandescente qui tel un Christ flotte sur une eau brûlante.
« Voleur de feu », voleur d’eau , voleur d’âme , c’est ce que Bill Viola réussit à faire magistralement à travers ses oeuvres . Mais s’il nous vole notre âme le temps d’un parcours, d’une suspension temporelle , c’est pour mieux nous la restituer , plus grande, plus riche, plus ouverte au monde qui nous entoure, nous apprenant la patience, l’observation, le détail, ne cessant de nous dire le mouvement perpétuel de ce qui semble le plus figé.
[1]Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871.
Bill Viola est sans conteste le plus célèbre représentant de l’art vidéo. Un large corpus de son oeuvre, allant de 1977 à aujourd’hui, mêlant tableaux en mouvement et installations monumentales, est pour la première fois présenté au Grand Palais. Dans une quête à la fois intimiste et universelle, l’artiste exprime son cheminement émotionnel et spirituel à travers de grands thèmes métaphysiques – vie, mort, transfiguration…
Bill Viola – Grand Palais – 5 mars – 21 juillet 2014
Bill Viola / Interview
Bill Viola / Vidéos
Tristans Ascension
The reflecting pool
Emergence (The Passions)
The Raft
Anthem (complete)
Owl, I do not know what it is I am like
Le site de Bill Viola